Henri Rivière

Henri vit ses premières années à Paris au 135, rue de Montmartre. Outre son goût précoce pour le dessin et ses expérimentations techniques, que Rivière évoque dans ses mémoires, on connaît peu de choses de cette période le concernant. Quelques événements marquants influenceront pourtant toute sa vie. Chassée de Paris par la guerre de 1870, la famille se réfugie à Ax-les-Thermes, en Ariège, chez son oncle. Pour Henri c’est la révélation. Il découvre avec émerveillement la nature. A la fin de la guerre, les deux frères sont séparés. Jules demeure à Ax pour achever ses études, tandis qu’ Henri retourne à Paris.

Cette même année, en 1873 le père d’Henri manifeste des problèmes de santé et y succombe. Des jours difficiles commencent alors pour la famille. Leur situation financière les oblige à déménager. Henri est voisin et copain de Paul Signac (1863-1935). Après le remariage de sa mère, en 1875, Henri déménage et change à nouveau d’école. Son statut d’externe lui permet de flâner à Montmartre, et parfois de faire l’école buissonnière pour retrouver Signac. Ses matières favorites sont la lecture et le dessin. Abonné à plusieurs magazines illustrés, il lit Victor Hugo, Jules Verne et dessine d’après les gravures de Doré et Vierge. D’autre part il aime passer du temps à admirer et observer les œuvres du musée du Louvre et du Luxembourg.

Henri Rivière désire devenir peintre, mais sa mère ne le soutient pas dans ce projet. Afin d’assurer l’avenir de son fils, elle le place dans une école commerciale avenue de Trudaine. Très mauvais élève, il n’y reste pas. Henri intègre alors une maison de commerce rue d’Aboukir, chez un importateur de plumes d’autruches. Détestant l’enfermement, après huit jours, il s’enfuit, préférant dessiner. Face à son obstination, son beau-père intervient. Il lui fait rencontrer le  » maître de Montmartre « , Emile Bin. L’apprentissage est malheureusement bref car Bin meurt un an et demi après.

En 1884 le jeune Henri Rivière suite à un petit héritage part en vacances avec son frère en Bretagne. Il tombe sous le charme de Saint-Briac et se jure d’y revenir très bientôt. Sa vie à Paris est difficile, il survie avec le reste de l’argent dans une petite chambre de bonne et veut toujours devenir peintre. Entraîné par Paul Signac, Rivière va bientôt pénétrer dans le monde de l’avant garde artistique. Il fréquente le cabaret du Chat Noir, ouvert récemment par Rodolphe Salis (1852-1897). Il devient un habitué et en 1882 accepte l’emploi de secrétaire de rédaction du journal Le Chat Noir, journal hebdomadaire réunissant des poèmes, des articles divers et surtout des illustrations réalisées par les habitués.

Il poursuit sa production personnel. Son style reste encore sage, sous l’influence de Gustave Doré (1832-1883), Henri Rivière s’essaye à l’eau forte. Mais son talent de technicien va s’exprimer autrement que par le biais de la gravure. En effet le succès du Chat Noir est assuré par la programmation originale du cabaret : le Théâtre des Ombres. Ainsi de 1886 et 1896 (date de fermeture du Chat Noir) Rivière dirige quarante-trois spectacles. Ce type de représentation n’est pas unique, jusqu’à ce que Rivière en 1888 intègre des fonds de couleurs. Ce type de représentation attire le tout Paris.

En 1888, Rivière rencontre sa future épouse : Eugènie Ley âgée de 24 ans, fille d’un fonctionnaire des finances. Elle aide Rivière a gérer sa vie personnelle, afin qu’il puisse travailler à son œuvre personnelle. En 1889, ils vivent ensemble et se marient en 1895. Leur union sera pour Rivière la clef de son bonheur et de son équilibre. En 1895, Rivière et sa femme achètent une maison à Loguivy qu’ils baptisent Landiris, dérivation du mot iris que Rivière aime tant. Désormais le couple passera l’hiver à Paris et l’été en Bretagne. La situation financière des Rivière s’améliore, ils déménagent de Montmartre, pour Clichy. Cette même année, 1897 Rivière découvre le magasin de Madame Langweil (1861-1958). Le magasin est spécialisé dans l’art japonais. Il participe aux réunions d’amateurs et de collectionneurs d’art japonais organisées dans la bouitque. En 1911, il intègre une association organisée autour de Degas :  » Le Cénacle « . Rivière affine ses connaissances et devient le vice-président de l’association. Il entretient avec Degas une amitié qui se poursuit jusqu’à la mort de ce dernier, en 1917.

Sa rencontre avec Tadamasa Hayashi (1851-1906), en 1889, il possède une boutique d’art oriental et travaille avec différents collectionneurs. Lui même collectionneur d’art français, il acquiert des Corot, des Degas et quelques oeuvres de Rivière, dont une commande de quatre décorations murales pour sa maison de Tokyo, intitulées Les quatre saisons. Hayashi décide alors de rémunérer Rivière en objets d’art avant son départ définitif pour le Japon en 1905, considérant que la somme demandée est dérisoire. Rivière choisit librement des objets et se constitue ainsi ce qui compose la plus belle partie de sa collection. Malheureusement, en 1906, la mort d’Hayashi ne permet pas aux oeuvres d’être livrées à temps. Sa mort affecte Rivière. Sa tristesse est probablement à l’origine d’une rupture, qui amoindrit sa passion pour l’art japonais. Il continue néanmoins à collectionner des objets, mais son art adopte progressivement de nouvelles orientations.

En 1910, Jules, son frère tombe malade, Rivière se presse à son chevet, à Cagnes, en Province. Sa santé semble se stabiliser. Rivière visite alors les sites peint par Monet comme Belle-île. En 1912, Jules s’éteint. Rivière doit désormais s’occuper de son neveu, Georges Rivière. La cohabitation est de courte durée. Mais en 1913, Rivière perd un autre de ses amis, Verneau. L’artiste perd son technicien mettant fin à une collaboration de dix-sept ans. Le couple Rivière, après avoir vendu sa maison de Loguivy, sont invités par les Noufflard à visiter l’Italie. La santé d’Eugénie étant fragile elle décline l’invitation. Le couple pour la première fois se sépare. C’est aussi le premier et unique voyage à l’étranger de Rivière, du 7 novembre au 15 décembre 1913, il visite la Toscane et la Ombrie : San Gimignano, Sienne, Mont Oliveto, Orvieto, Assise.

En 1917, Rivière décide d’arrêter la gravure et se consacre désormais à l’aquarelle. En 1921, le Musée des Arts Décoratifs propose à Rivière d’exposer ses aquarelles. Celles-ci n’avaient encore jamais été montrées, et au départ, n’y étaient pas destinées. L’exposition réunie alors 151 aquarelles, 28 bois et 30 eaux-fortes. Cette dernière exposition ainsi que son travail pour l’édition marque la fin de sa carrière. Bien que la critique soit élogieuse, il se retire de la place publique pour se consacrer à sa femme et ses amis. A présent il passe en compagnie de sa femme l’été à Paris et l’hiver en Provence, Le couple part dans le sud de la France d’octobre à mars.

En 1939, trois jours avant la mobilisation, le couple quitte Paris pour se réfugier à Buis-les-Baronnies, petit village de la drôme. Rivière prend en charge tous les travaux de la maison et s’occupe avec tendresse de sa femme, devenue aveugle. Bien que la situation soit difficile, l’union du couple reste solide. Ils se promènent, durant la journée. Rivière dessine et lui décrit les paysages. Le soir est consacré à la musique. Eugénie joue du piano. Bientôt, Eugénie ne peut plus l’accompagner dans ses promenades. En effet, une luxation de la hanche l’empêche de marcher et l’oblige à rester au lit. Elle est hospitalisée et décède peu après, le 24 mai 1943. L’union du couple s’achève après cinquante cinq ans de complicité. Rivière est très choqué et plonge dans la neurasthénie et le chagrin. Son ami André Noufflard décide alors d’aller le chercher pour l’emmener en Dordogne, où il possède une propriété. Rivière sort de sa solitude, se rétablit lentement, et se remet à l’aquarelle. L’année suivante, alors âgé de quatre-vingts ans, Rivière s’aperçoit qu’il ne parvient pas à fixer les détails. Son incapacité à réaliser un dessin minutieux tarit son enthousiasme.

A la fin de la guerre, Rivière réintègre son appartement de Clichy, où chaque pièce évoque mille souvenirs. Il est sans doute temps pour lui de faire le point sur sa vie et il entreprend la rédaction de ses mémoires : Les détours du chemin – Souvenirs, notes et croquis -1945-1947. Rivière émet le souhait d’être enterré à Fresnay-le-Long Petit village de Seine-Maritime, à 30 km au nord de Rouen, où la famille Noufflard à une propriété et d’avoir la dépouille de sa femme à ses côtés. Une fois de plus ses amis Noufflard le soutiennent. Henriette, l’une des filles d’André et Berthe Noufflard, l’héberge à son domicile et entouré de ses soins,

Rivière meurt le 24 août 1951, à Sucy en Brie. Conformément à ses désirs, il est enterré à Fresnay-le-Long où les cendres de sa femme le rejoignent. Propos tirés du site des « amis d’Henri Rivière »